
L’ORTM a dégainé une annonce spectaculaire : onze noms, un prétendu « complot » visant à « déstabiliser » le Mali, révélé opportunément alors que la junte est sous le feu des critiques pour ses échecs sécuritaires et économiques. La mise en scène est rodée, mais la ficelle est grosse. Généraux, lieutenants-colonels, sous-officiers, et même des civils : la liste, savamment composée, donne l’illusion d’un vaste réseau menaçant la République.
Mais à qui profite ce scénario ? Certainement pas au Mali, encore moins à sa démocratie moribonde. Ce type d’annonce est une arme politique bien connue : inventer un ennemi intérieur pour détourner l’attention des vrais problèmes. Pendant qu’on agite le spectre d’un « complot », on occulte l’insécurité galopante, la misère croissante et les promesses non tenues de la junte.
Le casting est soigneusement orchestré : des figures de haut rang comme les généraux Abass Dembélé et Nema Sagara pour frapper les esprits, des lieutenants-colonels pour étoffer, un caporal pour surprendre. Cette diversité est suspecte. Depuis quand une conspiration militaire réunit-elle des officiers supérieurs et des subalternes aux intérêts divergents ? C’est comme si un ministre et un planton tramaient ensemble un coup d’État. Deux civils, dont un étranger, complètent le tableau, ajoutant une touche « internationale » pour exciter la paranoïa nationaliste et détourner les regards des responsables locaux.
Chaque fois que la junte est acculée, un « complot » éclate : un coup d’État déjoué, un espion arrêté, une menace fabriquée. C’est un manuel vieux comme la dictature. Pendant que les Maliens s’enflamment pour cette liste, les décisions impopulaires passent inaperçues et les voix critiques sont étouffées.
Si ce complot est réel, il révèle une infiltration jusque dans les plus hauts rangs de l’armée, une faillite accablante pour la junte. S’il est fabriqué, il trahit un cynisme absolu : sacrifier des officiers loyaux pour prolonger un pouvoir illégitime en jouant sur la peur. Dans les deux cas, la République est prise en otage par ceux qui prétendent la défendre.
Par Professeur Sambou Sissoko
