
Accaparée par des crises jugées plus menaçantes pour les équilibres mondiaux, la communauté internationale semble reléguer au second plan la question de l’Azawad et le conflit persistant qui oppose cette région à l’État central malien. Pourtant, ce conflit mérite une attention accrue de la part des acteurs internationaux censés veiller à la stabilité des pays et à la sécurité des populations locales.
Aujourd’hui, des exactions sont perpétrées contre des communautés ciblées par un régime à caractère ethnocentré. Celui-ci a tenté d’instrumentaliser la menace jihadiste afin de délégitimer le Front de libération de l’Azawad (FLA), mouvement porteur des revendications politiques de ce territoire depuis les indépendances, en le qualifiant de manière opportuniste et abusive de « terroriste ».
La responsabilité de cette situation incombe en grande partie à la communauté internationale elle-même, qui a façonné et reconnu les frontières du Mali dans leur configuration actuelle. L’intangibilité des frontières et la légitimité accordée aux États postcoloniaux auraient dû s’accompagner d’exigences fermes en matière de respect des droits fondamentaux des peuples. Or, en laissant ces États embryonnaires, souvent construits sur la domination d’une communauté sur d’autres selon des logiques héritées de la colonisation, la communauté internationale n’a fait qu’alimenter instabilité et conflits.
Au Mali, l’État a failli à sa mission en s’en prenant à une partie de sa population sur des bases ethniques. La création de milices tribales pour dresser des communautés les unes contre les autres a sapé les fondements mêmes de sa légitimité interne et internationale. Le recours à des mercenaires étrangers contre certaines composantes nationales accentue cette perte de légitimité.
Le conflit Mali-Azawad remonte à l’époque coloniale, lorsque l’administration française rattacha de force l’Azawad au Mali malgré les protestations de nombreux chefs coutumiers. Depuis, une succession de rébellions et de répressions sanglantes a causé des dizaines de milliers de morts, sans que la communauté internationale ne s’attaque aux racines du problème.
Aujourd’hui, la junte malienne cherche à échapper à toute reddition de comptes en se retirant d’organisations multilatérales. Mais croire qu’un tel repli permettrait d’éviter la justice internationale relève de l’illusion. Ni la fuite ni l’isolationnisme ne peuvent constituer des solutions durables. La communauté internationale a ici une responsabilité collective : elle ne peut tolérer une impunité qui mine sa propre crédibilité et menace la stabilité du Sahel central.
Il est désormais largement documenté que certaines communautés de la région subissent des répressions à caractère ethnique. Pourtant, plusieurs pays, y compris des démocraties, continuent de coopérer avec ces régimes, devenant ainsi complices, par leur silence ou leur complaisance, de violations graves des droits humains.
Les accords d’Alger, négociés sous l’égide de la communauté internationale, auraient pu constituer une base solide pour une paix durable. Mais leur mise en œuvre a été négligée, laissant la junte actuelle exploiter cette carence à des fins populistes et nationalistes.
La stabilité du Sahel central ne pourra être garantie que si ses communautés trouvent un modèle de gouvernance adapté à leur diversité et à leurs réalités locales. Le Mali doit être encouragé à rompre avec le déni et les postures rigides. La voie d’avenir réside sans doute dans un système fédéral ou dans des autonomies négociées, qui permettraient de concilier l’intangibilité des frontières internationales avec le respect des identités socioculturelles.
Enfin, l’ordre international actuel est confronté à ses propres contradictions. Dans un monde désormais marqué par une interdépendance croissante, aucun État ne devrait pouvoir se soustraire aux règles et aux exigences qui garantissent paix et stabilité mondiales. Une réforme audacieuse de l’ONU s’impose plus que jamais afin qu’elle puisse assumer pleinement son rôle de régulateur des relations internationales au service des peuples.
Abdoulahi ATTAYOUB
Consultant Lyon le 6 octobre 2025
Président de l’Organisation de la Diaspora Touarègue en Europe (ODTE) / Tanat
