
Le 2 juin 2025, la ville de Tombouctou, située au cœur de l’Azawad, a été le théâtre d’une attaque complexe ciblant les forces maliennes, ayant fait environ 30 soldats tués ou blessés. Le groupe Jama’at Nasr al-Islam wal-Muslimin (JNIM) a revendiqué l’attaque, affirmant avoir pris le contrôle de plusieurs postes militaires au nord et à l’est de la ville, mené une opération kamikaze en son sein, et tiré des obus de mortier sur l’aéroport.
La riposte de l’armée malienne a été rapide et brutale, mais elle ne s’est pas limitée aux assaillants : des campagnes d’arrestations massives ont visé des civils, notamment parmi les populations touarègues, peules et arabes, accompagnées d’exactions à caractère ethnique.
Arrestations arbitraires et violences contre les civils
Peu après l’attaque, les forces maliennes ont lancé une vague d’arrestations arbitraires ciblant environ 30 civils non armés issus des communautés touarègue, peule et arabe, sans preuve tangible de leur implication dans l’attaque.
Parmi les personnes arrêtées figurait Abdoulhamid Ag Tahama, un jeune homme touareg de la communauté kel alhorma qui se rendait à la pharmacie Dembélé pour acheter des médicaments pour sa mère hospitalisée. L’armée malienne l’a intercepté, sans trouver ni arme ni objet suspect, mais l’a arrêté simplement en raison de sa couleur de peau claire et de son appartenance ethnique, avant de le livrer à une foule racistes.
Ces dernières l’ont torturé de façon barbare avant de le brûler vif à l’intérieur de pneus, après lui avoir fracturé les os alors qu’il était encore en vie — une scène d’une horreur indicible qui témoigne du degré de haine ethnique qui ronge la région.
Cet acte ignoble constitue non seulement une grave violation des droits humains, mais aussi un signe alarmant de l’escalade des tensions ethniques dans l’Azawad. La violence à caractère ethnique semble désormais alimenter le terrorisme lui-même, devenant un de ses outils, ne distinguant plus entre combattants et civils innocents. Elle vise particulièrement certaines composantes de la société azawadienne, dans un silence officiel troublant du gouvernement malien et avec la complicité tacite de certaines factions sociales.
Pillages et autres abus
Les abus ne se sont pas limités aux arrestations et aux meurtres. Des sources locales rapportent que des soldats maliens ont volé des troupeaux de moutons appartenant à 11 commerçants du marché de Tombouctou, avant d’emmener ces derniers vers une destination inconnue.
Ces actes montrent un effondrement de l’ordre juridique dans la région, où l’armée se transforme en instrument de répression et de prédation, au lieu d’incarner une force de protection.
Une tragédie supplémentaire à Tombouctou
La mort d’Abdelhamid n’est pas un cas isolé. Le forgeron Aliou Ag Hama ainsi que 2 autres civils ont également été tués par l’armée malienne dans la ville, dans le cadre de cette campagne punitive qui révèle l’incapacité de l’armée à sécuriser les régions qu’elle occupe en Azawad, malgré l’aide russe et la présence de mercenaires. Cela met en lumière la fragilité sécuritaire et le chaos ambiant.
Dimensions de la crise : un État défaillant et une fracture ethnique profonde
Ces événements illustrent les défaillances structurelles de l’État malien dans l’Azawad : incapacité à rétablir l’ordre, affrontements persistants avec les groupes armés, et montée des discriminations et divisions ethniques. Le coût humain est considérable.
La violence ethnique, encouragée ou tolérée par certains éléments des forces armées, est tout aussi meurtrière que le terrorisme. Elle en devient un carburant, et représente une menace directe à toute perspective de paix ou de réconciliation dans la région.
Un appel urgent à la justice et à la protection des civils
Face à cette réalité tragique, il est impératif de mettre en place une enquête internationale indépendante et urgente pour faire la lumière sur les arrestations et violations récentes, traduire les auteurs en justice et garantir les droits fondamentaux des civils, quelle que soit leur origine.
Il revient à la communauté internationale et aux organisations de défense des droits humains d’exiger du gouvernement malien l’arrêt immédiat de ces pratiques inhumaines, le respect du droit international humanitaire, et un travail sincère de réconciliation et de restauration de la confiance entre les composantes de l’Azawad.
Conclusion
L’Azawad continue de faire face à des défis sécuritaires et humanitaires majeurs. Ces événements tragiques révèlent la fragilité de l’État, la division de la société, et soulignent l’urgence d’une nouvelle approche fondée sur la justice, l’égalité et le respect des droits humains – et non sur la répression et la discrimination.
Le silence du monde et l’inaction des autorités ne font qu’aggraver la spirale de violence et retarder la paix tant attendue.