
Porte-parole du Front de libération de l’Azawad, Mohamed Mouloud Ramadan, dans un entretien exclusif avec la plateforme Algérie
Propos recueillis par : Ahmed Hafsi
Les mouvements azawadiens les plus enracinés dans le paysage ont annoncé la dissolution de leurs structures et leur fusion en une seule entité sous le nom de « Front de libération de l’Azawad » (FLA). Quelles sont les raisons de cette décision ?
En réalité, la décision de dissoudre les mouvements azawadiens qui étaient regroupés sous l’appellation « Cadre stratégique permanent » et de les intégrer dans une entité politique unique représentant tous les Azawadiens, quelles que soient leurs sensibilités, est l’aboutissement d’un long processus de rapprochement entre les différents mouvements. La fusion sous la bannière du Front de libération de l’Azawad répond à une demande pressante du peuple azawadien, qu’il s’agisse des tribus, des syndicats ou des organisations. Cette décision fait suite à une insistance populaire pour que les dirigeants azawadiens s’unissent en une seule entité, intégrant toutes les sensibilités, car la lutte du peuple azawadien a souffert de la difficulté à prendre des décisions courageuses en raison de la multiplicité des factions. Pour ces raisons, les coordinations ont été gelées et la direction militaire dissoute. Le 30 novembre 2024, après un processus de négociation de trois ans, tous les mouvements ont fusionné.
Le Front de libération de l’Azawad dispose d’une branche politique et d’une autre militaire. Quelle est la feuille de route de cette nouvelle entité ? Quelles sont vos revendications politiques et vos objectifs sur le terrain ?
Le Front de libération de l’Azawad est désormais le seul et légitime représentant du peuple azawadien. Sur le plan organisationnel, il comprend une branche politique et une autre militaire, désormais structurée comme une armée régulière, ainsi que des instances législatives, judiciaires et des organisations représentant la société civile, notamment les jeunes, les femmes et les religieux. Nous menons une guerre aux racines historiques et défendons des revendications anciennes, au premier rang desquelles le droit du peuple azawadien à l’autodétermination. Notre objectif est que le peuple azawadien puisse se gouverner lui-même et exercer sa souveraineté sur ses terres.
Cette guerre nous a été imposée par le gouvernement malien, dirigé par un général putschiste dont les mains sont tachées du sang des fils du peuple azawadien. Ce dernier est victime d’une campagne d’extermination ethnique systématique, avec des massacres quotidiens et une politique de la terre brûlée. L’armée malienne, soutenue par les mercenaires de Wagner, ne distingue pas entre civils et militaires dans ses attaques. La libération des terres azawadiennes n’est qu’une question de temps, et tous les envahisseurs, quelle que soit leur puissance ou leur nationalité, seront chassés. Notre objectif est la libération de toutes les régions de l’Azawad et l’établissement de notre contrôle administratif sur nos territoires. Notre seul problème est avec le gouvernement de Bamako, et nous respectons tous les pays voisins. Je tiens à souligner un point important : la médiation internationale, qui malheureusement cherche toujours des solutions temporaires plutôt que de traiter les causes profondes du conflit.
Vous avez certainement suivi les échanges verbaux entre Bamako et Alger. Comment commentez-vous les accusations portées par la diplomatie malienne contre l’Algérie suite aux déclarations du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf ? Comment analysez-vous la position algérienne ?
La nature de la réponse malienne aux déclarations du ministre algérien reflète le désarroi des putschistes de Bamako, qui interprètent toute position des pays voisins à travers le prisme de la théorie du complot. Je dois dire clairement aux putschistes maliens : sans le rôle de médiateur de l’Algérie, nous parlerions aujourd’hui d’un État azawadien indépendant du Mali. Les dirigeants maliens ne comprennent pas la valeur du rôle algérien dans la préservation de l’unité et de la souveraineté du Mali, une position constante de la politique étrangère algérienne. La provocation d’une crise avec l’Algérie est une manœuvre des putschistes de Bamako pour détourner l’attention du peuple malien des problèmes sociaux, économiques et sécuritaires qui frappent le pays. C’est une sorte d’hypnose collective. Nous, au Front de libération de l’Azawad, apprécions le rôle de l’Algérie.
Que se passe-t-il actuellement sur le terrain dans le nord du Mali ? Vos bastions traditionnels près de la frontière algérienne sont-ils toujours attaqués par l’armée putschiste malienne soutenue par les milices Wagner ?
Le peuple azawadien est soumis à une campagne d’extermination systématique fondée sur un nettoyage ethnique. Malheureusement, l’armée malienne, dirigée par le criminel de guerre putschiste Assimi Goïta, a reçu le soutien d’acteurs participant aux attaques contre les positions azawadiennes. Nous parlons ici de l’utilisation par l’armée malienne de drones turcs, qui ont fait des dizaines de morts parmi le peuple azawadien, ainsi que des milices mercenaires de Wagner.
Quelle est votre position vis-à-vis de la Russie, compte tenu des rapports évoquant un soutien russe à l’armée putschiste de Bamako ?
Notre position envers la Russie reflète celle de Moscou dans le conflit régional. L’armée malienne, soutenue par la Russie et les mercenaires de Wagner, a commis des crimes d’extermination ethnique contre le peuple azawadien. La Russie faisait malheureusement partie de la commission de médiation ayant abouti à l’accord de paix et de réconciliation. Aujourd’hui, son soutien aux putschistes ne nous permet pas de rester neutres envers elle. En tant que peuple azawadien, nous les considérons comme des ennemis et des envahisseurs. Bien que nous n’ayons pas de problème politique avec Moscou, le jour où elle décidera de se retirer, nos relations redeviendront normales. Nous demandons aux Russes de changer leur position avant qu’il ne soit trop tard. Ils n’auront aucune présence sur les terres de l’Azawad sans négociation avec nous. La Russie s’est embourbée dans un marécage dont il sera difficile de sortir. Notre problème avec elle réside uniquement dans son soutien aux putschistes.
L’initiative de « dialogue national » lancée par le putschiste Assimi Goïta est-elle morte-née ?
Je précise qu’il n’y a pas de trêve avec les putschistes. Nous sommes en guerre avec eux et nous leur rendrons coup pour coup. Nous poursuivrons ce que nous avons commencé avec ceux qui sont tombés en martyrs, car la perte de combattants et d’Azawadiens ne fera que renforcer notre détermination. Ces assassinats ont été perpétrés grâce à un infiltré au sein des réunions dans la région de Tinzawaten, dans l’extrême nord, qui a guidé les auteurs de ces crimes.
Des observateurs estiment que la solution pour le nord du Mali est exclusivement entre les mains de l’Algérie, seule capable de mener une médiation pour trouver une issue politique loin de la guerre. Quel est votre commentaire ?
Nous menons une guerre aux racines historiques et défendons des revendications anciennes, au premier rang desquelles le droit à l’autodétermination. Notre objectif est que le peuple azawadien puisse se gouverner lui-même. Le médiateur algérien est « impartial » et n’a aucune ambition. Comme je l’ai dit, sans l’Algérie, nous parlerions aujourd’hui d’un État azawadien indépendant. Les putschistes de Bamako ne doivent pas se laisser entraîner dans une logique anti-algérienne. L’Algérie a toujours plaidé pour une solution politique sans ingérence étrangère ni option militaire.
Qu’en est-il de la Turquie, qui finance l’armée putschiste malienne avec des drones ?
La Turquie a toujours soutenu les causes justes, et en tant qu’État musulman, nous espérions qu’elle jouerait un rôle neutre dans la région. Cependant, l’utilisation par Bamako de drones turcs a exacerbé le conflit, surtout puisque ces drones sont employés par les mercenaires de Wagner pour exterminer le peuple azawadien. Nous condamnons fermement leur utilisation contre notre peuple. Nous demandons au gouvernement turc de cesser de vendre des drones au gouvernement putschiste de Bamako. Nous résisterons à toute tentative de pillage des ressources du peuple azawadien, et ceux qui rêvent d’une présence en Azawad sans un partenariat réel avec ses représentants se trompent. Nous sommes prêts à tous les sacrifices, génération après génération.
Quelle est la situation économique, sociale et humanitaire dans le nord du Mali aujourd’hui ?
Nous demandons d’abord l’ouverture d’une enquête internationale sur les crimes commis contre le peuple azawadien et la traduction des responsables en justice. L’escalade des tensions et des affrontements dans certaines parties du nord et de l’est du Mali, notamment à Tombouctou, Gao et Ménaka, a eu un impact négatif sur la situation économique et sociale de toute la région. La zone connaît des déplacements de population, des pénuries alimentaires et des difficultés d’accès à l’eau, ce qui nécessite une intervention de la communauté internationale pour aider le peuple azawadien.