
La récente visite du ministre de la Défense de la junte malienne, Sadio Camara, le 23 Mai à Kidal, loin d’être une simple courtoisie, se révèle être une entreprise aux objectifs multiples et macabres, dissimulant des desseins machiavéliques. Au-delà d’une simple démonstration de force destinée à la population de Bamako, cette incursion portait en elle des enjeux cruciaux, tant pour la survie de la junte face à une crise multidimensionnelle que pour ses ambitions d’exploitation des ressources de l’Azawad.
Un Contexte National Explosif : La Junte au Pied du Mur
La première motivation de cette visite résidait dans l’urgence de calmer une population malienne exaspérée. Bamako et les régions du Mandingue sont étranglées par une crise économique sans précédent. La dette publique a atteint des sommets alarmants, tandis que les entreprises privées, en attente de paiements de l’État, ont majoritairement sombré dans la faillite, privées de toute procédure collective de sauvetage. Le chômage flambe, et le système éducatif est en lambeaux, marqué par des grèves universitaires chroniques et la dissolution d’associations étudiantes.
À cela s’ajoute une crise énergétique d’une ampleur inédite depuis plus de dix ans. À Bamako, seuls les foyers aisés peuvent s’offrir des panneaux solaires ou des groupes électrogènes, garantissant ainsi l’approvisionnement en électricité nécessaire à la conservation des aliments, des médicaments ou de la viande.
La crise sanitaire, bien que minimisée par la junte, est tout aussi dramatique. L’accès à des soins de santé adéquats est un privilège réservé aux plus fortunés. Les hôpitaux publics, rongés par le manque d’électricité et une insalubrité criante, deviennent des foyers de paludisme et de typhoïde, où les plus démunis dépérissent dans l’indifférence générale.
L’Illusion Sécuritaire: Une Stratégie de la Terre Brûlée
Mais c’est la crise sécuritaire qui est le plus grand échec de la junte, exacerbée par l’arrivée des mercenaires russes et le départ de la MINUSMA et de l’opération Barkhane. Loin de s’améliorer, la situation s’est radicalisée. Le Mali est désormais incapable de contenir l’expansion du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM) et des groupes rebelles, qui multiplient les attaques, y compris par drones kamikazes.
Les attaques du JNIM ne se limitent plus aux zones reculées ; elles frappent désormais au cœur du pays. L’incendie d’avions à l’aéroport de Sénou Modibo Keïta à Bamako en est une illustration flagrante. Le groupe a étendu son emprise au sud du Mali et dans le Macina, comme en témoignent des incidents récents :
- 2 juin 2025, Tombouctou : Attaque coordonnée contre un camp militaire, revendiquée par le JNIM, avec des tirs d’obus et trois check-points ciblés.
- 1er juin 2025, Boulkessi : Une base militaire attaquée par le JNIM, faisant plus de 120 morts parmi les soldats maliens, contraints de se replier.
- 26 mai 2025, Soumpi : Attaque de drones contre des positions militaires.
- 23 mai 2025, Dioura : Une attaque majeure, officieusement signalée, aurait fait plus de 40 morts, impliquant une coordination avec d’anciens militaires et l’usage de drones.
- Mi-mai 2025, Djibo (Burkina Faso) : Une attaque revendiquée par le JNIM aurait tué environ 200 soldats.
- 24 et 26 mai 2025, Niger (Tahoua & Dosso) : Deux attaques successives ayant causé la mort de plus de 100 soldats nigériens.
Étonnamment, durant toutes ces attaques, l’armée malienne n’a pas fait intervenir ses drones ni ses aéronefs. Cela corrobore l’accusation selon laquelle les vecteurs aériens maliens sont principalement utilisés pour cibler les populations touarègues et arabes de l’Azawad, ainsi que les troupes du FLA, plutôt que les groupes terroristes.
Les investissements massifs de la junte dans les drones turcs et les mercenaires de Wagner (désormais la Légion russe Africa Corps après l’échec de Wagner à la bataille de Tinzawatène en juillet 2024) semblent davantage destinés à une stratégie de nettoyage ethnique contre les communautés touarègues et arabes de l’Azawad, sous couvert de lutte anti-rébellion.
L’Affaire de l’Or de Kidal : Un Piège Tendu par Sadio Camara
C’est dans ce contexte de crise généralisée et d’hypocrisie sécuritaire que s’inscrit l’objectif le plus insidieux de la visite de Sadio Camara à Kidal : attirer des entreprises russes pour l’exploitation de l’or. Le ministre a orchestré un “film” minutieusement monté, présentant une situation idyllique et sécurisée dans la région de Kidal, afin de convaincre les Russes d’investir. Il leur a garanti la protection de l’armée malienne et des mercenaires d’Africa Corps.
Les entreprises russes, apparemment dupées, ont répondu à l’appel, dépêchant un convoi imposant de vingt camions-remorques transportant foreuses, pelleteuses, chargeuses, bouteurs, perforatrices, broyeurs, groupes électrogènes, ainsi que des produits chimiques essentiels à l’extraction aurifère (carburant, graisses, huiles, explosifs, cyanure de sodium, charbon actif, chaux, floculants, mercure).
Mais cette manœuvre dolosive a tourné au fiasco. Le vendredi 13 juin 2025 au matin, un convoi de l’Africa Corps, escortant les camions de matériel minier depuis Anefif vers Aguelhok, a été intercepté et incendié par une unité du front de Libération de l’Azawad (FLA). Cette attaque, minutieusement planifiée, a causé des pertes considérables : Douze (12) soldats russes tués et plusieurs blessés, ainsi plusieurs de soldats maliens morts et de nombreux blessés. Huit (8) blindés et des véhicules de marque Kia ont également été détruits.
Au-delà de l’exploitation aurifère, la junte nourrissait également le projet de construire une piste d’atterrissage à Aguelhok pour acheminer l’or directement à Bamako par avion, un investissement désormais réduit en cendres.
La Fureur Russe et l’Indignation de la Junte
Cet échec cuisant laisse Sadio Camara incapable de justifier une telle débâcle. Les promesses fallacieuses d’une extraction aurifère aisée se sont heurtées à la réalité brutale du terrain, coûtant la vie à de nombreux Russes. La colère monte du côté de Moscou, qui se sent trahie et naïve d’avoir cru aux assertions de la junte malienne.
L’ampleur de la déconfiture s’est confirmée le 14 juin 2025, lorsqu’un aéronef SU-24 de l’armée malienne, menant des frappes dans la zone de Talabit, non loin d’Anou Malan, a été touché par les forces du FLA et s’est écrasé à Gao, dans le fleuve Niger. Les pilotes, dans un état critique, ont été repêché par des piroguiers.
La junte de Bamako, prise au dépourvu, se retrouve dans une situation d’indignation totale, incapable de fournir des justifications crédibles. Les machinations de Sadio Camara, censées apaiser les tensions et financer une guerre contre les rebelles de l’Azawad, se sont transformées en un revers retentissant, exposant au grand jour la fragilité et la duplicité de son régime.