Gossi (Azawad) — À 170 kilomètres au sud-ouest de Gao, la ville de Gossi agonise lentement, étranglée par l’insécurité et abandonnée par ceux qui prétendaient la protéger. Entre les exactions des jihadistes du JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et l’indifférence armée des forces maliennes et des mercenaires russes de Wagner, la population civile est prise au piège. Une tragédie silencieuse qui illustre le naufrage d’un État et le cynisme d’une guerre sans visage.
Un blocus implacable, une indifférence insupportable
Depuis des semaines, Gossi vit au rythme du siège. Le 1er mai 2025, un pylône télécom de l’opérateur Orange est dynamité par les jihadistes à quelques mètres d’une base militaire de l’armée malienne et Wagner. Aucune réaction.

Le 3 mai, le village voisin de Kaygoro est envahi, ses habitants dépouillés de leurs téléphones et sommés de fuir. Le 4 mai, Gossi est totalement coupée du monde : marchés paralysés, famine rampante, silence assourdissant des armes pourtant présentes.
Les soldats maliens, épaulés par les paramilitaires de Wagner, restent cloîtrés dans leurs positions, spectateurs d’un effondrement annoncé. Loin de défendre la population, ils semblent n’être là que pour la vitrine. Une présence militaire qui rassure sur le papier, mais abandonne sur le terrain.
Bamako : entre slogans patriotiques et renoncement politique
Alors que les rues de Bamako bruissent de discours nationalistes et de promesses de « reconquête du territoire », l’Azawad est peu à peu rayé de la carte des priorités. La capitale malienne s’enferme dans un autoritarisme croissant, préférant museler la presse et les voix critiques plutôt que d’affronter la réalité d’un territoire qu’elle ne maîtrise plus.
La junte au pouvoir semble avoir troqué l’unité nationale contre la propagande. À Gossi, les civils n’attendent plus rien de l’État : ni aide, ni sécurité. Seulement le silence – celui des absents et des lâches.
Gossi lance un cri de détresse… mais personne ne répond
Face à cette catastrophe, les habitants de Gossi ne se sont pas tournés vers l’État, ni vers son président ou son armée, mais vers ceux qui les assiègent : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM). Cet appel choquant illustre l’ampleur du désespoir et la perte totale de confiance dans la capacité – voire la volonté – du gouvernement malien à les protéger. Gossi est ainsi devenue le symbole frappant d’une équation inversée : un État présent sur le papier, mais absent dans la réalité en matière de sécurité, de souveraineté et de dignité.
Entre jihadistes et forces dites « libératrices » : qui est l’ennemi ?
Dans cet environnement de terreur partagée, les lignes sont brouillées. Les jihadistes imposent la loi de la peur, mais sont parfois les seuls à circuler, à punir les voleurs, à faire « justice ». Cyniquement, certains habitants préfèrent leur présence à l’immobilisme militaire. Quand l’oppresseur devient recours, c’est que l’État a depuis longtemps perdu la bataille de la légitimité.
Les civils, eux, n’ont pas le luxe de choisir entre deux maux. Ils survivent. Jour après jour. Souvent sans eau, sans pain, sans soin. Ils enterrent leurs morts, prient pour un secours qui ne vient pas, et s’interrogent : la communauté internationale, si prompte à condamner, regardera-t-elle un jour vers Gossi ?
Une urgence humanitaire que le monde ignore
À mesure que l’étau se resserre, la crise humanitaire s’intensifie. Les ONG, elles aussi, peinent à accéder à la zone. Les convois sont attaqués, les liaisons coupées, les vivres rares. Le silence diplomatique autour de Gossi est d’autant plus coupable qu’il est volontaire.
Les puissances régionales, absorbées par leurs intérêts géostratégiques, ferment les yeux. Les institutions internationales hésitent, temporisent. Pendant ce temps, une ville entière est laissée à l’abandon, comme tant d’autres dans ce nord malien devenu territoire fantôme.
Et après ?
Gossi n’est pas une exception. C’est un symptôme. Celui d’un pays fracturé, d’une guerre sans fin, d’un peuple oublié. Tant que l’Azawad sera considéré comme une marge négligeable, livrée aux calculs de forces en conflit, la spirale de la violence continuera.
L’histoire jugera ceux qui ont regardé ailleurs.