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Victoire face aux terroristes de l’Africa-Corps et leurs alliés Famas

Front de Libération de l’Azawad
ANOU-MALLAN
FLA 13/06/2025

Kidal, ou la revanche des humiliés : quand les blindés maliens deviennent trophées

Le cliché est brutal. Une douzaine d’hommes, kalachnikovs brandies, visages partiellement couverts, campés fièrement sur un blindé militaire dont les flancs éventrés témoignent d’un affrontement victorieux. La scène se déroule non pas en Ukraine ou en Palestine, mais au Mali, précisément dans la région de Kidal, là où les cartes officielles s’obstinent à dessiner une souveraineté qui n’existe plus que sur le papier. L’image, capturée il y a deux jours et diffusée par les éléments du Front de Libération de l’Azawad (FLA), est une gifle violente infligée à la propagande officielle de Bamako. Et au-delà : un révélateur sans fard de l’impasse politique, militaire et identitaire dans laquelle le Mali s’est enfermé.

Le véhicule sur lequel les hommes se tiennent debout n’est pas n’importe quel engin. Il s’agit d’un blindé de l’armée malienne, l’un de ces équipements flambants neufs exhibés ces dernières années pour incarner la fameuse “montée en puissance” des Forces armées maliennes (FAMa). Ce que l’État voulait ériger en icône de sa renaissance sécuritaire est aujourd’hui transformé en trophée de guerre par une faction armée qui conteste ouvertement son autorité.

L’image n’est pas seulement celle d’une prise militaire. Elle est un manifeste visuel. Elle proclame : “Nous sommes chez nous. Vous ne contrôlez rien. Vos symboles de puissance sont nos objets de dérision.” Ce blindé, que le pouvoir malien pensait dissuasif, devient dans les mains du FLA une arme de communication redoutable. Et surtout, un signe de la vacuité du discours sur la reconquête du territoire national.

Il faut être clair : Kidal n’est plus malienne dans les faits. Elle ne l’a peut-être jamais été depuis les accords d’Alger, ni même depuis 1960 si l’on écoute certains leaders touaregs. Cette ville est le miroir brisé d’un projet national qui n’a jamais su dépasser les frontières du Sud mandingue pour s’imposer comme une réalité inclusive.

Depuis des mois, les autorités de transition maliennes prétendent “sécuriser le territoire” avec l’aide de leurs partenaires russes, tout en refusant toute négociation avec les groupes armés du Nord. Une stratégie fondée sur l’orgueil et l’illusion. Car voici la réalité : les FAMa, malgré les blindés, les drones et les nouvelles tenues, n’arrivent pas à tenir Kidal, ni ses alentours. Et pire encore, lorsqu’ils y pénètrent, ils s’y font tailler en pièces.

Ce que cette image dévoile, c’est l’inanité d’un conflit asymétrique mené avec des outils classiques. Le FLA, à l’instar d’autres groupes armés touaregs ou arabes du Nord malien, n’a pas d’aviation, pas de tanks, pas d’état-major dans un bunker climatisé. Mais il a le terrain. Il a les alliances locales. Il a les complicités silencieuses d’une population qui ne se reconnaît plus dans l’État malien depuis des décennies. Il a surtout cette conviction existentielle que l’Azawad est une terre à libérer, pas à occuper.

Les autorités de Bamako, embourbées dans un discours sécuritaire creux et une rhétorique souverainiste stérile, n’ont rien à offrir de tangible à ces régions. Pas de justice, pas de routes, pas de respect. Rien, sinon l’humiliation, la stigmatisation et le déni de leur mémoire historique. L’État malien a voulu dominer Kidal par la force. Il n’a récolté que le déshonneur, et un blindé retourné contre lui.

Depuis la prise de pouvoir par les militaires en 2020, une stratégie de communication obsessionnelle s’est mise en place. Chaque cargaison de matériel militaire russe est mise en scène. Chaque mouvement de troupe est accompagné d’une narration triomphaliste. Chaque discours évoque la “souveraineté retrouvée”, la “fierté retrouvée”, le “peuple debout”. Mais dans le même temps, les soldats tombent chaque semaine dans l’indifférence nationale, les zones entières échappent au contrôle de l’État, et les groupes armés non seulement résistent, mais reprennent l’initiative.

Cette image à Kidal est un clou de plus dans le cercueil de cette fiction étatique. L’armée malienne, vantée comme invincible par la junte, s’y révèle vulnérable, dispersée, mal commandée. Les blindés flambants neufs sont livrés sans doctrine d’emploi, sans stratégie d’ensemble, sans légitimité politique. Résultat : ils deviennent des trophées.

Ce qui est aussi tragique dans cette image, c’est la persistance du déni malien. Au lieu de voir dans la résistance de Kidal un cri politique, un symptôme profond d’un mal national, Bamako persiste à parler de “terrorisme”, de “main étrangère”, de “traîtres à la nation”. C’est commode. Mais c’est intellectuellement paresseux et historiquement faux.

Le FLA, comme d’autres groupes touaregs, porte une revendication politique enracinée : la fin de la marginalisation du Nord, le respect des peuples non mandingues, la reconnaissance d’une autre histoire du Mali. Ces revendications ne sont pas nouvelles. Elles datent de la colonisation, de la répression des révoltes touarègues, de l’échec des accords de paix, de l’injustice structurelle. Et chaque humiliation militaire de Bamako est perçue par ces groupes comme un acte de justice symbolique.

L’image de Kidal oblige à une conclusion simple mais terrible : le Mali ne contrôle plus le Mali. L’État est un mirage dans de nombreuses zones. Il est remplacé par des milices, des groupes armés, des chefs coutumiers ou religieux. La junte au pouvoir, obsédée par son autorité, a refusé le dialogue politique et s’est lancée dans une guerre qu’elle ne peut gagner, ni militairement ni moralement.

À force de vouloir imposer une unité nationale fantasmée par les armes, elle récolte la fragmentation territoriale. Et à chaque blindé capturé, c’est un peu plus de cette illusion de souveraineté qui s’effondre.

Ce cliché de Kidal doit être un électrochoc. Il montre un pays démembré, une armée débordée, une élite militaire enfermée dans son propre théâtre d’ombres. Tant que Bamako refusera de voir Kidal autrement que comme une ville rebelle à mater, et non comme une expression d’un malaise national profond, il n’y aura pas de paix.

Le Mali n’a pas besoin de plus de blindés. Il a besoin de lucidité politique, de réconciliation réelle, d’un contrat social repensé. Sans cela, d’autres photos viendront. D’autres blindés seront capturés. Et d’autres vérités, plus dures encore, éclateront.

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